point de vue 3.

Hélène F. Commissaire d’exposition pour “4/24”. Villa Minerva. Anglet (2019) Exposition “Nature morte … ou presque”

...Parmi les Natures mortes, il est un genre très particulier : la Vanité. Elle se caractérise par la présence d’un crâne. Incitation explicite à méditer sur le caractère passager et vain (d’où le terme “vanité”) de la condition humaine.

C’est ce que nous propose Alain Jouve, semble-t-il, à la différence près qu’il ne nous présente pas le crâne humain d’usage mais celui d’un animal, plus précisément d’un cochon, nous le comprenons grâce à la figure centrale du triptyque traitée en portrait.

Le Portrait lui aussi, genre pictural classique, a pour fonction de représenter une personne singulière dans son apparence extérieure mais aussi son caractère, son expression, sa position sociale …

Or, s’il est courant d’évoquer ce qu’il y a d’animal en chaque humain, il est troublant de révéler ce qu’il y a d’humain dans l’animal. Cela nous propulse sans ménagement dans une réflexion sur l’identité animale et plus largement sur les relations que l’homme entretien avec la nature.

Ce triptyque ne parle que de mort. Celle que l’homme a programmée pour le cochon “portraituré”. ( “porc trituré” , “porc torturé” aurait pu écrire Alain Jouve !?)

Pour le rappeler crûment à notre conscience oublieuse, une frise de petites images (dans le style des vignettes d’une bande dessinée ou de la prédelle d’un retable) , se déroule en bas des trois panneaux. Elle présente divers instruments, sorte d’inventaire pour une nature morte à venir, ou plutôt pour une mort à venir car on y reconnait différents ustensiles de charcutier. La partie centrale, consacrée au vivant, reproduit quatre figurines populaires de “petites cochonnes” en tutu … Trivialité de la chair offerte, à consommer sans vergogne !

Dans ses autres oeuvres, Alain Jouve associe, de façon analogue, le portrait d’un cochon à des personnages de “petits cochons” issus de la culture populaire ou enfantine.

Ce contrepoint visuel fonctionne tout à fait comme le petit caillou du titre et nous fait prendre conscience de notre regard sur les cochons et, en rebond, sur tous les animaux que nous consommons puis sur notre façon de nous approprier le monde qui nous entoure.